Monna
Festival Sonj
commissariat Joëlle Le Saux
Logonna Daoulas, 2022
L’installation réalisée par Simon Lagouche Gueguen prend pour point de départ l’histoire du moine évangélisateur irlandais, Saint Monna. Selon la légende, Monna aurait traversé la manche sur une pierre et se serait installé en Bretagne. S’il n’a jamais officiellement été reconnu par l’Église catholique, son histoire s’est pour-tant largement diffusée. Comme une ritournelle improbable, au moins cinq versions identiques de ce récit existent, localisées en différents endroits sur les côtes bretonnes. Ils sont associés à Saint Monna, saint Onna, saint Vougay ou encore saint Vio. Monna a donné son nom à l’église de Logonna-Daoulas, mais d’autres monuments renvoient à cette légende. Située à Tréguennec, la pierre de l’âge du fer, nommée « la barque de saint Vio » ou « Pierre à virer le temps » est sans doute la plus étrange et la plus poétique des appropriations par l’Église catholique des croyances païennes.
Simon Lagouche Gueguen s’est intéressé aux interprétations de cette légende qui oscillent entre rationalisme des faits historique, symbolisme de l’évangélisation de la Bretagne et la dimension merveilleuse et poétique de la tradition populaire. Contre toute logique, sculpter un bateau en pierre capable de naviguer est tout à fait possible. D’autres thèses soutiennent l’idée que les pierres qui ont donné leur nom au vaisseau de saint Monna, pouvaient servir à lester la barque en bois, à contenir un feu ou encore à installer un mat sur la construction. De manière plus souterraine, ce que le récit dévoile est une forme de survivance dans les mémoires, des anciennes croyances associées aux pierres.
Monna hybride ces différentes lectures et jouent avec le potentiel fictif et science-fictionnel contenu dans la légende. Les cinq sculptures réalisées par Simon Lagouche Gueguen inventorient les différentes variantes de l’histoire de saint Monna. Chaque sculpture a été réalisée à la main selon des techniques de construction des coques de bateaux ou des planches de surf. Sculptées dans des blocs de polystyrène, «shapées», enduites, stratifiées, teintées en noir, elles ont fait l’objet d’un travail de texture, de couleurs, de glaçages, de ponçages et de polissages successifs. Regroupées et dressées comme des menhirs en bord de mer, les sculptures restaurent les mémoires cachées dans la transmission de la légende et la magie des anciennes croyances. Comme un bug temporel, les monolithes mettent en scène un nouveau chapitre de la légende et créent un lieu de culte hors du temps, consacré à la fois aux pierres, aux bateaux, et aux failles temporelles.
Joelle Le Sauxhistorienne de l’art, commissaire d’exposition